Poètes de tous poils dont les pieds ont des bottes,
Dont l'aile est repliée au mitan des capotes,
Par ce que nous savons, par ce que nous aimons,
Par le vent et le sel qui brûlent nos poumons,
Par les hivers du Cap tatouant nos mains bleues,
Les torrides soleils où flambent nos cheveux,
Par l'espace cabré que domptent les filins,
Par les bois et le fer, par le chanvre et le lin,
Nous chanterons d'instinct, toute âme, toute chair,
N'importe la musique et n'importe le vers ;
LA MER !
Dès qu'il fait noir la mer s'ennuie
secoue son sac d'herbes séchées
remue son eau toute la nuit
Elle a beau faire et chuchoter
le soleil restera couché
Ce poème étant métaphore
je m'y compare à l'océan
Mon soleil, mon chaud, mon aurore
c'est la douce que j'aime tant
et la nuit qui m'ennuie si fort
c'est son absence et mon tourment
ma vacance et ma marée basse
mon calme plat et mon temps mort
ma grise mine et guerre lasse
triste comme au milieu du port
le mazout d'un bateau qui a franchi la passe
Ce poème étant métaphore
je m'y compare à l'océan
Mais il ne veut rien entendre
et refuse (hautain) toute comparaison
Il est beau il est sel il est vent il est bleu
il est immense et fou il est avide et tout
On voit des figures pâles
près des maisons anciennes
un soldat d'autrefois
une femme empruntée
qui marche à ses côtés
par un jour sans visage
tout près d'eux
l'océan se retire
laissant le coquillage strié
ébréché près du galet gris
une voiture emplie de varech
rentre avec la nuit fidèle à l'exilé
qui porte en sautoir sa jumelle marine.